Quand les politiques nous faisaient rire

Des blagues en pagaille

Dans son livre sur la politique du rire, Jean-Louis Debré a de la tendresse pour les traits féroces de Clemenceau. « Il ne savait pas où il allait, mais il y allait avec flamme », a lancé le Tigre à Gambetta, se mettant ainsi les rieurs de son côté. Car en politique, le rire est une aussi une arme, affirme l’auteur. Plus tard, au début de la cinquième République, les blagues continuaient de fuser; Parfois salaces, comme ce mot d’Alexandre Sanguinetti, ancien ministre de Pompidou : « Les sondages, c'est comme la minijupe : ça fait rêver, mais ça cache l’essentiel » parfois grivoises avec Jacques Chirac : « J'aime les barres parallèles, un bar rive droite, un bar rive gauche. » Mais au-delà des bons mots, Jean-Louis Debré nous livre un message.

Ils ne nous font plus rire

Après une anecdote sur François Mitterrand qui dit de son prétendant : « Quand Chirac vient me voir à l’Élysée, il monte avec ses idées et repart avec les miennes », Jean-Louis Debré reconnaît qu’un tournant radical a été pris après le départ de François Hollande, l’un des derniers amateurs de mots d’esprit. Le rire n’est plus. Il revendique que l’Assemblée nationale était le lieu où l’on pouvait tout dire sans être poursuivi. L’irruption des chaînes parlementaires qui retransmettent les débats, le développement des télévisions d’informations continues et surtout l’explosion des réseaux sociaux a sonné le glas du rire, gras ou fin, incisif et dévastateur. Maintenant, chacun fait attention à ce qu’il dit. L’improvisation n’est plus de mise. Les discours sont écrits par des collaborateurs dans un souci de bien-pensance. L’heure est au contrôle. Et, dit-il avec une pointe d’ironie, les députés sont moins cultivés.

Jean-Luis Debré se livre sur la politique

La flamboyance des ministres et députés d’autrefois est restée dans l’histoire. Ces gladiateurs du verbe ne résistaient que rarement devant un bon mot sachant que le rire est une arme à double tranchant comme ce mot malheureux de l’ancien président François Hollande : « Il n’y a rien de plus terrible pour un soldat déjà anonyme que de mourir inconnu », mais aussi un moyen d’exister. En commentant son ouvrage, Jean-Louis Debré livre son message que l’on perçoit entre les lignes de son livre sur la politique : « C’est peut-être aujourd’hui ce qui manque le plus à la politique. La capacité de rire, l’humour sont fédérateurs, semeurs d’optimisme et d’unité. »
Il est grand temps, conclut l’auteur dans une interview, de se reprendre, de se rassembler et de rire ensemble. Il en va de la bonne santé de notre vie démocratique.