Sociologie du genre - NP

Une approche synthétique et limpide

Sociologie du genre est un ouvrage de synthèse qui expose les études de genre tout à la fois comme discipline politique et outil scientifique, sujet et objet de débat. Avec une limpidité rare, il rappelle la distinction entre sexe biologique et genre qui, loin de semer la confusion en niant les différences entre garçons et filles ou hommes et femmes, les souligne pour mieux les définir. La sociologie du genre permet ainsi de démêler le rôle de la nature et celui de la culture dans la construction et l'acquisition sociales du genre. Avec précision et humour, l'ouvrage présente et illustre son sujet en mettant en lumière, par son intermédiaire, les rapports de pouvoirs habituellement masqués par ses "adversaires". Contrairement à l'idée répandue par des polémistes, notamment en France, il n'y a pas de "théorie du genre" qui impliquerait une quelconque idéologie. Les études de genre (gender studies) constituent au contraire un domaine de recherche pluridisciplinaire ancien et reconnu dans de nombreux pays. À l'exception notamment de la France qui accuse son retard dans ce domaine comme dans les études postcoloniales.

Un manuel incontournable

Ce manuel permet de comprendre les différents aspects de la notion de genre, de situer sa constitution comme domaine d'étude et de saisir l'importance de cette démarche dans la recherche comme dans les rapports sociaux. Après avoir exposé les apports de l'anthropologie à la sociologie du genre, Isabelle Clair y dénonce les réductions et injonctions à la norme, notamment hétérosexuelle, que la discipline subit et met en lumière dans le même temps. À travers le travail et la sexualité, Sociologie du genre montre comment le pouvoir construit et détruit dans le même temps les femmes comme les hommes qu'il soumet. La sociologue y démontre à quel point le genre n'est ni un thème ni l'apanage des femmes, mais un système et une logique sociale omniprésente, centrale et constitutive, qui conditionne tous les rapports. Face à ce système, les notions de performance de genre, d'agentivité (agency) et d'intersectionnalité fonctionnent comme des outils conceptuels et pratiques qui permettent de se déconstruire et de s'émanciper. L'on comprend par exemple comment et pourquoi la revendication d'une identité (« pute » ou « queer ») intervint dans ce processus de réappropriation des corps et des esprits.

Un ouvrage qui invite à aller plus loin

Tout en demeurant dans une visée très pédagogique, l'essai d'Isabelle Clair va plus loin en proposant à la fois une analyse sociohistorique des recherches concernant le genre, mais aussi de leurs débats internes et externes qui se poursuivent aujourd'hui. Loin de l'esprit de sérieux qui caractérise un milieu dominé par les hommes sous couvert d'universalisme, Sociologie du genre invite à l'ouverture plus qu'il ne cherche à faire autorité. Il s'agit là encore de sortir des préjugés, de dédramatiser le rapport entre militantisme et recherche, tout en rejetant la prétendue objectivité des sciences sociales et sa prétention universaliste. La sociologue et son ouvrage encouragent également à interroger la structure patriarcale de la langue qui demeure constitutive de la pensée, ainsi que les moqueries systématiques qui visent toute tentative de déconstruire ce monopole. Elle appelle enfin à une conscience concernant l'enracinement de ces préjugés qui réside dans toute construction sociale et à une vigilance dans la recherche en sciences sociales comme dans les rapports que nous entretenons à nous-mêmes et aux autres. Une position et une attitude qui demeurent plus que jamais d'actualité et font de Sociologie du genre un ouvrage incontournable